Le titre «Nador », faussement exotique, mérite une explication. Nador signifie « Belle vue » ce qui est à prendre au second degré puisque Thérèse Fournier nous conte une histoire qui, dans un décor de carte postale, nous révèle une histoire cruelle. La Tunisie qu’elle connaît si bien pour y avoir vécu des années, est un peu délaissée par les romanciers contemporains et Nador apparaît déjà comme une rareté.
Alors que l’ensemble Tunis/Bizerte constitue une scène de crime totalement originale dans la production littéraire contemporaine, sous le même soleil que celui de l’Etranger de Camus – c’était un autre port, mais c’est toujours le Maghreb, marqué ici par un « protectorat » qui a laissé des traces ineffaçables sous le régime d’un Ben Ali dont l’Occident ne perçoit pas la fragilité, Charles Duquesne, un jeune expatrié, version moderne du « coopérant », est assassiné. Sa femme, Gabrielle, est arrêtée trop vite : cette enquête bâclée cache forcément une combine politique. En effet, la victime avait découvert une affaire de corruption qu’elle allait bientôt révéler : des millions d’euros versés par Bruxelles, destinés à améliorer et réguler les systèmes d’adduction d’eau potable, se sont évaporés…
Mais l’enquête policière est secondaire par rapport à celle qui nous fait découvrir peu à peu les amours des protagonistes. Gabrielle s’ennuie et se sent délaissée : c’est une proie (trop) facile pour Kaïs, un séducteur issu des deux cultures. Charles essaye de résister à l’attraction d’une jeune tunisienne, Houria.
C’est un quatuor que le destin mène à la baguette et l’auteur avec adresse. Les personnages, finement dessinés, vivent (et meurent) dans une Tunisie observée avec empathie et lucidité. A petites touches fluides, l’auteur raconte la vie chez les nantis, et chez ceux que la dureté du quotidien épuise. Et nous rappelle que le « moteur » de l’Homme, c’est l’amour.
François Pedron
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