Journal du coronavirus 11.
Jeudi 26 mars 2020. En nous retournant sur notre sillage, nous voyons avec horreur la vague, juste derrière nous, celle qui nous pousse vers l’avant et sur laquelle nous surfons déjà, enfler irrémédiablement. Qu’adviendra-t-il lorsque cette montagne d’eau, cet immeuble liquide qui déjà décroche des pans d’eau, déferlera ?
Aujourd’hui en France, les chiffres sont troublants. Alors que le nombre de malades testés positifs est de 25 000 depuis le début de l’épidémie, 41836 « nouveaux cas de Covid-19 » ont, selon Santé Publique de France, consulté un médecin généraliste la semaine dernière, du 16 au 22 mars… Quelle subtilité sémantique se cache derrière ces chiffres et nous empêche de faire l’addition ? 25 000 + 41 836 = 66 836 cas. Serions-nous en train de dépasser l’Italie, (69 176), qui elle-même est en train de dépasser la Chine (81 637) - la Chine qui ne compte que 183 nouveaux cas hier ?
Ca veut dire quoi, au juste ? Ca veut dire que de nombreuses personnes confinées ont observé des symptômes du coronavirus la première semaine du confinement, du 17 au 22 mars - fatigue musculaire, gorge irritée, puis fièvre variable, et toux sèche. En général, ces personnes ne vivent pas seules – avec deux ou trois personnes, au mieux. Le médecin, joint par téléphone a dit « mettez vous à part dans l’appartement, pas de contact. » Dans la plupart des cas la personne s’est sentie mieux, au bout de quelques jours.
On sait que le coronavirus est ultra-contagieux, dès la première minute - il n’y a pas de phénomène de non-contagion pendant les 3/4 jours d’incubation comme pour la grippe. D’autre part, pour le coronavirus, les symptômes se manifestent en moyenne 4 à 6 jours après l’infection, parfois de 12 à 14 jours !
Continuons notre raisonnement : la première semaine de confinement en France, du 17 au 22 mars, ces 41 836 personnes qui ont consulté, pour lesquelles on a supposé qu’ils étaient porteurs du virus, avaient contracté le virus dans la première quinzaine de mars. Car jusqu’au jour même du confinement, le mardi 17 mars, les français ont vécu dans le plus grand brassage républicain, le beau temps aidant, et les élections obligeant – on avait quand même demandé aux votants d’apporter un bic « perso » pour signer…
Concluons : ces 41 836 personnes qui ont consulté sans être testées, qui ont développé la maladie et se sont guéries – sait-on néanmoins combien d’entre elles ont été hospitalisées ? -, ont contaminé généreusement tout leur entourage. L’Italie a été confinée le 9 mars, soit 9 jours avant la France, 5 jours avant l’Espagne. On risque d’être surpris les prochains jours. C’est ce mur d’eau qui grandit, gandit derrière nous, et n’a pas encore déferlé…
On prépare la déferlante.
Quoi d’autre ?
En vrac ; dans le cadre de la loi sur l’état d’urgence, 25 ordonnances ont été adoptées dont des modifications du droit u travail qui autorise le travail le dimanche. Dans les prisons, 10 détenus sont positifs, 450 sont symptomatiques - difficile de respecter les mesures barrières quand on est à 4 dans une cellule. A la prison de la santé les détenus crient « sauvez-nous, sauvez-nous ! » à traves les barreaux. 17% des parisiens ont quitté la capitale. A Bichat on manque de « curare » pour les sédations profondes. Le procès des attentats de Charlie Hebdo, de l’hyper-casher et de Montrouge qui devait commencer le 4 mai est reporté. A partir dur 31 mars Orly sera fermé. Le confinement devrait durer de 5 à 6 semaines en tout.
Côté sport, alors que l’euro de football et les jeux olympique sont reportés en 2021, que Rolland Garros se déroulera en automne, le Tour de France, du 27 juin au 19 juillet, qui draîne chaque année de 10 à 12 millions de personnes, se déroulera peut-être en huis clos.
Une cinquantaine de stations de métro ferment aujourd’hui à Paris. Un outil de géo localisation des malades est à l’étude.
Côté solidarité, les plates-formes sur lesquelles vous pouvez proposer vos services, prêter votre appartement proche d’un hôpital se multiplient.
Le directeur du théâtre de la Colline, Wajdi Mouhawad, propose chaque matin à 11 heures la lecture de son « journal du confinement ».
Retrouvez les chroniques de 1 à 10 sur le blog de l’auteur.
Les illustrations sont de Juanjo Surace.
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