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Journal du coronavirus 8.


Lundi 23 mars 2020. D. est psychomotricienne en psychiatrie. 30 ans - un sourire à faire chavirer. Elle vit à Lyon, aime voyager sac au dos – il y a un an elle est partie 4 mois en Amérique centrale. « Chaque jour, on dormait chez l’habitant. Et pas une fois on nous a laissé dehors… La générosité n’est pas une question de moyens ! ». La crise sanitaire l’a « prise » travaillant à mi temps pour une Ehpad dans une banlieue de Lyon. Pas question de se confiner. Dans cet édifice fonctionnel aux plantes grimpantes peintes au mur, sur un total de 70 résidents, la plupart Alzheimer, on a enregistré 12 décès ces 10 derniers jours.

« Les décès ont lieu à l’Ehpad même, et non à l’hôpital, sans doute faute de lits. Il y a 15 jours, une résidente a été envoyée en réanimation à l’hôpital. Elle est en voie de guérison. Mais à l’époque, vers le 9 mars, il y avait encore de la place. ». Des morts en Ehpad, avec l’interdiction aux familles de venir, ça veut dire, tous les jours, la pénible mise en scène de la pandémie, l’arrivée de croque-morts en « tenue de combat », couverts des pieds à la tête et scotchés par toutes les ouvertures.

« Ils ont des masques FFP2, alors que nous n’avons que des masques chirurgicaux. Je suis persuadée que c’est le personnel qui contamine les personnes âgées, de même que les ambulanciers contaminent les personnes qu’ils transportent car eux non plus n’ont pas de masque FFP2. »

Dans cet Ehpad, 18 membres de l’équipe sont absents, - malades ou avec des enfants à charge. Aucun n’est à l’hôpital, sauf le mari d’une aide-soignante âgé de 60 ans, diabétique, en réanimation. Pas de test pour le personnel. D. a été malade il y a 10 jours, une semaine au lit, elle ne sait pas si c’était le coronavirus et si elle est maintenant immunisée et non contagieuse. Elle refuse d’aller à l’hôpital des Massues où elle travaille un jour par semaine, avec des enfants à pathologies lourdes, par précaution. On lui a dit que si elle n’avait pas de certificat médical, elle ne serait pas payée. Elle préfère ne pas être payée que de contaminer les jeunes patients avec lesquels elle travaille. De toute façon, comme elle travaille en Ehpad, se déclarer malade juste pour l’hôpital serait ridicule. Là encore les tests seraient les bienvenus pour tout le monde.

En France, l’épidémie est en accélération. 16 000 cas sont déclarés au test PCR - soit 5000 de plus que vendredi 20 mars. 7240 hospitalisés, (+ 2589), 1746 en réanimation (+ 624). On le sait maintenant, le virus, s’il peut avoir ses porteurs sains, ou asymptomatiques, peut devenir « foudroyant » pour celui qui le développe. Selon le Dr Philippe Juin, de l’hôpital Pompidou, « le virus se met au fond des alvéoles pulmonaires et empêche l’oxygène de se diffuser – d’où l’asphyxie. Une personne peut arriver debout à l’hôpital, être prise en charge, et mourir dans les deux heures. ». Pour lui, la question du « tri » - savoir qui l’on traite en priorité -, est la question ultime qu’on se pose. La question à laquelle il ne faut pas arriver. Cependant, les cas d’assistance respiratoire sont en augmentation de 20%, ceux de réanimation, de 30% et 60% des cas qui se présentent aux urgences doivent désormais être hospitalisés. Le nombre de lits, lui, ne se multiplie pas.

Les illustrations sont de Juanjo Surace.



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